L’INTÉRÊT DE GÉRER LES COMPÉTENCES EN ENTREPRISE : 5 CAS CONCRETS AU QUOTIDIEN

Introduction

Le plus souvent en entreprise, la gestion des compétences est un serpent de mer. Pour ceux qui voudraient s’emparer du sujet, elle peut représenter un objectif inatteignable, toujours remis au lendemain dans un jeu de priorités qu’elle ne gagne jamais. Et pour les autres, elle incarne une démarche perçue comme très centrée « Ressources Humaines », purement administrative et, dans le pire des cas, superflue.
De fait, lorsqu’elle existe, elle est souvent limitée à une grille statique ou à un référentiel figé qui, au mieux, sert à structurer les entretiens professionnels de l’année de sa conception avant de terminer sa carrière au fond d’un serveur partagé de l’entreprise.
Et pourtant, si elle est bien conçue, bien actualisée et surtout bien exploitée, une cartographie des compétences devient certes un levier quotidien de pilotage pour les Ressources Humaines, mais tout autant pour les managers et les équipes terrain. Pour l’illustrer très concrètement, voici cinq cas d’usage logiques et récurrents qui illustrent l’intérêt de gérer les compétences en entreprise pour décider mieux, plus vite, et plus sereinement.

Cas 1 : Affecter la bonne personne

Lorsqu’il faut constituer une équipe projet, répartir les missions ou mobiliser des ressources sur un nouveau contrat, les décisions reposent tout naturellement sur les postes et les métiers des collaborateurs. Quoi de plus normal que de demander à un opérateur d’utiliser une machine ou à un comptable de vérifier des opérations ?
Cependant, si cette pratique est tout à fait logique, elle n’est ni la seule ni la plus efficace. Car plutôt que d’affecter un collaborateur à une tâche, il vaut parfois mieux lui affecter une compétence. Exemple : un binôme de techniciens doit se rendre chez un client international pour former le personnel local à une machine produite par leur entreprise. Le bon sens commande en effet d’envoyer des collaborateurs qui maîtrisent la machine. Toutefois, l’analyse via le prisme de la compétence va permettre de noter qu’aucun des deux techniciens ne parle anglais, ce qui est capital, ni ne dispose d’une expérience précédente de formation à l’outil qu’ils maîtrisent, ce qui est un risque. Or l’entreprise dispose d’un formateur interne qui, s’il connait moins parfaitement la machine, dispose en revanche de l’ensemble des autres compétences requises. Il conviendra donc de modifier le binôme envoyé pour atteindre le résultat escompté.
En fin de compte, il devient possible via un référentiel actualisé et centralisé d’identifier instantanément les personnes disposant d’une compétence précise, d’un niveau de maîtrise donné, ou même d’une double compétence rare afin de prendre des décisions mieux adaptées à la réalité du terrain et plus à même de produire les effets attendus.

Cas 2 : Adapter la formation professionnelle au terrain

Plutôt que de proposer à tout un groupe de collaborateurs -qu’il soit défini par une fonction, une tâche ou un autre point commun- la même formation “par défaut” ou “par sécurité”, la gestion des compétences permet de détecter précisément et au cas par cas les écarts entre ce qui est requis pour un poste et ce qui est détenu par le collaborateur.
En pratique, cela permet de prioriser les formations réellement utiles au regard des lacunes observées (un collaborateur qui n’a pas le niveau attendu pour une compétence spécifique), d’identifier les formations inadaptées (si les compétences des collaborateurs qui suivent une formation donnée stagnent), et surtout d’optimiser les budgets pour éviter les gaspillages (pour éviter l’effet « promenade » d’une formation SST ou extincteur par exemple si une majorité de l’effectif possède déjà les compétences).
Ainsi avec le bon niveau de finesse, gérer les compétences en entreprise permet de refaire de la formation un investissement plutôt qu’une charge en s’assurant qu’au-delà d’être suffisamment formés, les collaborateurs soient suffisamment compétents.

Cas 3 : Organiser la polyvalence dans l’entreprise

Dans un contexte professionnel où l’agilité est un sport quotidien (collaborateurs en absence longue, difficultés de rétention des talents, recours à des intérimaires ou des alternants), il est primordial de savoir identifier quel collaborateur est déjà proche d’un profil métier recherché. La cartographie devient dans cette optique un véritable outil de projection :
– Une difficulté de recrutement sur un poste particulier alors que vous cumulez les collaborateurs pour un poste voisin ? Mobilité interne à envisager.
– Un expert métier approche dangereusement de l’âge de la retraite ? Constitution d’un binôme de transmission avec un jeune embauché.
– L’ouverture d’un nouveau site de production est prévue dans 6 mois ? Les opérateurs de ce nouveau site sont peut-être déjà dans l’entreprise, à quelques formations près.
Lorsqu’on l’applique au terrain, la compétence cesse d’être en état figé : elle devient un levier de dynamique interne et c’est toute l’organisation de l’entreprise qui en bénéficie, sans compter l’adhésion et la reconnaissance des collaborateurs sur le terrain.

Cas 4 : Analyser le collectif

Gérer les compétences en entreprise, c’est également construire un outil pour analyser la robustesse globale d’une équipe, d’un service ou d’un site et identifier les pistes d’amélioration en son sein. De plus, disposer d’une vision synthétique des niveaux de compétences permet à la fois de vérifier que la compétence collective est suffisante pour maintenir l’activité, de détecter les déséquilibres éventuels ainsi que de mieux répartir les expertises dans l’organisation.
Ainsi une même matrice de compétences pourra permettre de calculer un taux d’absentéisme acceptable dans un service avant qu’il devienne improductif, permettre de constater qu’à compétences similaires le pôle géographique A est bien plus performant que le pôle géographique B ou encore permettre de réaliser que tous les experts d’une compétence utile à toute l’entreprise sont en réalité réunis dans le même service.
En somme, la compétence devient ici un indicateur stratégique de pilotage collectif qui va permettre de prendre les décisions nécessaires à la fois au maintien et au développement de l’activité.

Cas 5 : Préparer les entretiens par le prisme de la compétence

Les entretiens professionnels ne sont pas toujours perçus comme aussi utiles qu’ils devraient l’être par les collaborateurs, sans compter qu’ils peuvent également représenter une charge de travail malvenue pour les services qui doivent les organiser, du moins jusqu’à ce que les compétences y soient définies, intégrées et valorisées.
Ce faisant, avoir une base de données compétences à jour permet de structurer les entretiens avec des données concrètes sur lesquelles les collaborateurs et leurs managers vont pouvoir échanger, donnant des répercussions directes sur le travail du salarié : aptitude à poursuivre ses missions, expression des besoins en formation, identification des pistes d’évolution dans la fonction, le service voire l’entreprise, et même la valorisation de savoir-faire parfois invisible au quotidien.
Exemple : lors de l’entretien, le manager est contraint de constater que le collaborateur n’a pas encore acquis toutes les compétences attendues pour son poste actuel de coordinateur logistique. Mais en consultant les compétences du salarié, il remarque que ce dernier possède de solides attributs en analyse de données et en outils BI. Or, il cherche depuis des mois à pourvoir un poste de gestionnaire de flux orienté data dans son équipe. Pour le collaborateur, le manager et l’entreprise en général, la gestion de la compétence au travers des entretiens devient soudain un outil de rétention et de fidélisation.

Conclusion sur l’intérêt de gérer les compétences en entreprise : 5 cas concrets au quotidien

Ces cinq cas d’usage illustrent une double vérité : d’une part la compétence est bien plus qu’un concept indéfini sans conséquences, et d’autre part elle ne doit pas être l’apanage des Ressources Humaines.
Lorsque la compétence est bien identifiée, bien structurée et bien suivie, elle devient un outil de pilotage opérationnel à parts égales pour les équipes terrain et pour la stratégie d’entreprise. Elle permet d’allier performance et agilité, anticipation et valorisation tout en renforçant le lien entre collaborateurs, managers et direction.
Gérer les compétences, ce n’est donc pas ajouter une couche de complexité, mais offrir à l’échelle humaine une meilleure lecture de son périmètre et de ses possibilités, et à l’échelle de l’entreprise une capacité de décision plus juste, plus rapide, et mieux centrée sur les effectifs.

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